- Thibaut -


"On dort où ce soir ?!" C'est l'éternelle question de tout backpacker en voyage itinérant. Elle peut être parfois détendue, elle est souvent crispée. En effet, cette question n'a pas le même impact lorsque l'on se la pose deux, trois jours avant d'arriver dans un nouvel endroit et lorsque l'on se la pose déjà sur place, à 23h, après une rude journée de transport. Ceux qui se sont déjà retrouvés dans ce cas savent bien de quoi je parle ! Bref, le logement est, pour nous, un thème quasi-quotidien. Guesthouse, hôtel, room-to-let, bungalow, lodge, auberge, resort... il y en a pour tous les goûts, toutes les bourses... Notre budget serré nous incite à éplucher les annonces de notre guide ou à partir à la pêche aux bons plans auprès d'autres voyageurs. Notre objectif : ne pas dépasser 8,50€ par nuit pour deux personnes. Il faut savoir que ce budget n'est pas minimaliste en Inde. En effet, il est possible de trouver bien moins cher, mais après, ce sont des questions d'hygiène et de salubrité qui se posent, choses sur lesquelles nous ne sommes prêts à faire l'impasse. En ce qui nous concerne, c'est le strict minimum vital : un lit dur, un oreiller dur, des draps à peu près propres, une douche au sceau, et des toilettes à la turque. 



À ce prix là : le Wi-Fi dans la chambre ? Je connais pas... Le petit-dej' à l'hôtel ? Jamais entendu parlé... Une douche chaude ? J'en rêve encore... Une moustiquaire ? Mais où est-elle... Une bonne odeur de fraîcheur dans la pièce ? Aaaah, s'il vous plait, faites quelque chose... Bref, vous l'aurez compris, nous apprenons à nous passer de confort. Pour le Wi-Fi, nous allons dans les cybercafés, ou tentons de récupèrer des réseaux ouverts dans la rue (si, si, ça fonctionne bien !), pour le petit-dej', nous attrapons quelques fruits ou samousas au détour d'un marché, et pour l'eau chaude, nous serrons les dents ou attendons la fin de la journée que l'eau soit tiédie par le soleil... Et pour ceux qui voudraient se rendre la vie plus facile, les hôtels disposent bien souvent d'un boy, sorte d'homme à tout faire qui se propose inlassablement de vous aider moyennant quelques roupies. Je viens d'ailleurs d'en réveiller un qui dormait dans le passage en haut des escaliers. Il est pas mignon lui ?



Une fois la bonne adresse dégotée, les choses sérieuses commencent. La première, et pas la moindre... se rendre à l'adresse ! À chaque fois que nous arrivons dans une nouvelle ville, nous accostons les habitants du coin pour savoir comment se rendre à notre hôtel, mais très vite survient une nouvelle difficulté. Les indiens n'osant pas dire qu'ils ne savent pas, nous faisons souvent des kilomètres à rallonge avant d'arriver à destination... à cause de mauvaises indications. Désormais, nous demandons systématiquement notre chemin à plusieurs personnes et nous regardons la tendance des doigts pointant dans une même direction pour enfin nous y engager sereinement. Le nom des rues n'étant quasiment jamais indiqué, il faut se repérer par rapport à des monuments ou des commerces. Et puis, nous arrivons, enfin !



La deuxième, négocier le prix. Hé oui, cette variable fluctue comme la bourse ! Cela fonctionne selon l'heure de la journée, la tête du client, et la capacité de chacun à discuter du prix. Notre record dans ce domaine : une chambre annoncée au prix de 23€ obtenue pour la modique somme de 7€ ! Pour ce prix-là, nous avons eu droit à un discret "Ne le dites à personne..." habilement glissé par la patronne lors de la remise des clés. La technique du "Vas-y, on fait semblant de partir, il va baisser" fonctionne aussi assez bien pour les hôtels bon marché. Finalement, la liste des prix n'a plus beaucoup de sens.



Allez, on s'installe. Irrémédiablement, nous déballons nos affaires. En premier, la serviette, toujours mouillée à cause de la dernière douche, puis le duvet, pour éviter d'être en contact avec les draps sur lesquels reposent régulièrement des cheveux étrangers, enfin les chargeurs, pour recharger la batterie de nos appareils électroniques, indispensables pour illustrer notre aventure. " -Hé, il te reste combien de batterie dans ton téléphone ?" La chambre indienne de base ne disposant que d'une unique prise électrique, il nous faut jongler entre l'appareil photo, la caméra et nos téléphones portables, quitte à se réveiller pendant la nuit pour échanger les appareils. Et gare à ne pas appuyer sur la sonnette sous peine de voir le boy rappliquer aussi vite que l'éclair !



Bzzzz, bzzzz... silence... bzzzz, bzzzz... " -Oh naaan ! Encore un ! " hurle Fabien. C'est le noir complet. Emmitouflé dans mon duvet de protection, transpirant comme si je venais de courir un marathon par 30°C, le cerveau encore dans le brouillard, j'ouvre l'œil gauche. Machinalement, je tâtonne à côté de moi et attrape de la main gauche mes lunettes, de l'autre mon téléphone. 02h47. Mes yeux piquent. J'ai du m'assoupir une petite heure depuis le dernier assaut. La guerre a été déclarée un peu plus tôt dans la soirée, lorsque nous sommes rentrés du resto. Une guerre sanglante, sans pitié, sans survivant. Du moins, c'est ce que l'on croyait... À mesure que la nuit avance, les forces en présence de révèlent complètement désiquilibrées : nous sommes au nombre de deux, vulnérables, fatigués, lents. Eux sont toujours plus nombreux, rapides, agressifs, voraces et nous attaquent en plein sommeil. Il nous faut répliquer, vite. Se rendormir sans avoir mis hors d'état de nuire notre agresseur serait comme se livrer sans défense dans une fosse aux lions. Ni une, ni deux, tel un ninja aguerri, Fabien saute sur le lit et attrape son arme (heu, sa tongue). Je lui lance alors un encouragement plein d'espoir pour voir celui qui nous gâche trop de nuits mourir écrasé contre le mur : " -Vas-y mec, éclate moi celui-là et que ça gicle !!!"



Et que dire des roofs-top ! Lorsqu'ils sont accessibles, ils ont pour nous plusieurs fonctions. C'est tout d'abord une sorte de buanderie à ciel ouvert. Nous y étendons régulièrement notre linge fraichement lavé à la main. Et avec le soleil de plomb qu'il fait depuis le début de notre aventure indienne, autant vous dire qu'il n'y reste pas longtemps.



C'est aussi un endroit qui offre une vue imprenable sur la ville ou les environs et qui permet de siroter un petit coup à l'abri des regards indiscrets. Car comme vous le savez peut-être déjà, l'alcool n'est pas vu d'un bon oeil en Inde.



Enfin, c'est sur le toit d'un hôtel à Mysore que nous avons récemment passé une nuit, lorsque nous avons découvert des punaises de lit dans la chambre. Le levé de soleil sera notre petit cadeau du matin pour compenser l'inconfort de la nuit passée. Comme je vous l'ai dis, il nous est impossible de faire l'impasse sur l'hygiène et la salubrité. En revanche, le confort, nous avons mis une croix dessus depuis belle lurette !



Dernier détail un peu glauque mais qui a toute son importance dans cet article : en Inde, les hôtels bon marché n'ont pas de papier toilette... ni de chasse d'eau ! Tout s'effectue avec un petit jeu d'eau orientable quand on a de la chance, ou avec un petit sceau d'eau quand on en a moins :) Ce n'est pas pour rien que tout le monde mange de la main droite ici !