- Fabien -


Nous posons le pied en Chine, l'Empire du Milieu, le pays le plus peuplé de la planète avec ses 1,4 milliards habitants, un des plus vastes (sur la troisième marche du podium en terme de superficie après la Russie et le Canada) et dorénavant première puissance économique. Mais la Chine, c'est également une des plus anciennes civilisations, riche de plus de 4000 ans d'Histoire, ayant permis des avancées spectaculaires comme l'invention du papier ou l'imprimerie.


Étant petit, qui n'a jamais été intrigué par ce pays en regardant Tintin et le Lotus Bleu ? Qui n'a jamais ressenti de la curiosité en observant ces personnes, aux yeux bridés et à la couleur de peau dit-on "jaune", parlant une langue faite de symboles incompréhensibles ?


Nous, nous l'étions. Il nous était inconcevable de voyager en Asie sans passer par le plus gros morceau du continent. Au-delà de notre curiosité, c'est aussi un moyen de briser les clichés et stéréotypes habituels en nous forgeant notre propre expérience. Et c'est à Pékin que cette nouvelle aventure commence !



Fraîchement débarqués du Myanmar, le premier choc en sortant de l'aéroport n'est pas culturel mais...thermique ! Nous passons d'un bon 38° à l'ombre à Yangon à 7° en plein soleil. Pas le choix, nous lâchons donc le short et le tee-shirt à manches courtes pour la chemise, le sweat à capuche et le coupe-vent !


Il parait qu'un voyage en Chine se prépare longtemps à l'avance. Ça tombe bien, nous arrivons une fois de plus les mains dans les poches ! Heureusement, quelqu'un a gentiment accepté de nous héberger pour quelques jours. Et qui de mieux qu'un chinois pour nous aider à combler notre retard ? Il s'appelle Bin, il a 32 ans et travaille en tant qu'ingénieur mécanique dans une compagnie aérienne chinoise à l'aéroport de Pékin. Rencontré par l'intermédiaire de Couchsurfing, il héberge les routards à la chaîne : nous sommes exactement les 146 et 147ème personnes de passage chez lui alors qu'il a commencé il y a seulement....un an et demi ! Impressionnant !



Autour de notre premier repas chinois (ici, on ne lésine pas sur la quantité !), notre hôte nous enseigne quelques bases pour pouvoir survivre dans la jungle pékinoise.


- "Ce symbole là, ça signifie poulet. Celui-là, c'est que c'est épicé".

- "OK, on va quand même prendre une photo du menu, au cas où...", dis-je dubitatif.


Malgré la nuit glaciale passée dans l'aéroport, l'excitation de découvrir la ville prend le pas sur la fatigue. Carte de métro en main, nous partons à l'assaut de la capitale.


Réputée pour être bien plus "traditionnelle" que Shanghai, le métro de la ville n'en est pas moins moderne ! Deux petits bémols cependant, la distance entre chaque arrêt ressemble plus à celle du RER parisien et les connexions entre les lignes peu nombreuses (imaginez une seule ligne passant par Châtelet...). Résultat : 3 changements et 1h30 de trajet entre l'appartement et le centre-ville !


Alors avec tout ce temps à notre disposition, nous observons : à l'extérieur, un nombre incalculable d'immeubles en béton, flambants neufs ou encore en construction, envahissent le paysage. Ça construit, partout et en hauteur. Un vrai jeu de dominos ! A l'intérieur, des chinois attendent en file indienne, les yeux rivés sur leur smartphone.



Ça regarde des séries en haute définition ou ça discute sur QQ, le "Facebook chinois". Ah oui car, ici, Facebook et Google sont bloqués. C'est toutefois loin de déranger les accros d'Internet qui ont à disposition les équivalents chinois.


Nous sortons (enfin !) du métro et décidons d'aller nous balader au coeur des hutongs, ces petites ruelles étroites pleines de charme, faites de briques grises, qui abritent les maisons traditionnelles chinoises. Le contraste avec les grandes artères aperçues depuis la vitre du métro est flagrant !



Des senteurs uniques nous parviennent pendant que nous continuons notre promenade. Il est 18h, les gens commencent à se ruer dans les petites gargotes pour dîner. Bon, le chinois mange apparemment très tôt, il va falloir s'y faire au risque de se faire servir les restes. On part à la recherche de quelques stands de rue pour déguster un bon plat de noodles bien garni. On tourne, encore et encore mais rien à l'horizon à part des vendeurs de brochettes ambulants. C'est inquiétant, on ne va pas manger au resto pendant 2 mois !

Finalement, au détour d'une petite rue un peu à l'écart, un petit local semble proposer des plats plus abordables pour les voyageurs à petit budget que nous sommes. Nous rentrons d'un pas hésitant.


- "Nihao !", s'élance Thibaut en mimant s'il est possible de manger. Le hochement de tête de la serveuse nous fait comprendre que oui. Jusque là, tout va bien.

- "Menu ?", lui demande-t-il. Elle pointe alors son doigt derrière nous.


Et ce que nous redoutions arriva...Une carte géante pleine d'idéogrammes recouvre le mur : in-com-pré-hen-sible !



Comment va-t-on se débrouiller pour lui dire qu'on a une envie de boeuf ? Nous épuisons tous les moyens possibles et imaginables : l'anglais, les gestes, l'imitation de poule (le ridicule ne tue pas !)...mais rien y fait. Même si nous sommes morts de rire, nous sommes aussi frustrés de ne pas pouvoir communiquer ! En relativisant, heureusement que les chinois utilisent les chiffres arabes. À défaut de savoir ce qu'on va trouver dans l'assiette, on connait au moins les prix ! Nous nous retrouvons finalement avec deux plats de riz énormes accompagnés de légumes. Ouuuf, la chance de débutant ! Mais ça ne marchera pas à chaque fois. Manger ce qu'on veut s'avère être un vrai défi alors il est impératif que nous trouvions un guide de voyage pour la Chine au risque de devenir, dans le meilleur des cas, des champions du Pictionary, dans le pire des cas, complètement fous.


Le réveil est matinal. Nous nous levons avec une seule et unique idée en tête : aujourd'hui, notre objectif n°1 est de dégoter LE guide. Car malgré les explications précieuses de notre hôte, nous avons l'impression d'errer dans la ville, d'être dans l'incapacité de comprendre l'environnement qui nous entoure, sans véritables repères. Nous nous rendons donc immédiatement à l'Institut Français de Pékin. 


Après 45 minutes de recherche, nous entrons dans le magnifique bâtiment qui abrite l'Institut et l'Alliance Française : une bibliothèque, une salle d'étude, une petite boulangerie qui proposent des pains au chocolat, (certains se mettent à l'aise !) et une librairie. Un rapide coup d'oeil et...bingo !!! Le Saint Graal est sur l'étagère ! et la dernière édition en prime !



Il nous coûte deux fois plus cher qu'en France (prix à l'import oblige), mais nous ne réfléchissons pas deux fois et emportons le bouquin sous le bras. Nous sommes soulagés et enfin équipés pour sillonner Pékin et la Chine, pour communiquer, manger ce qu'on veut ! Bref, continuer l'aventure.


La pause du midi nous permet de feuilleter quelques pages et de planifier les visites incontournables pour les prochains jours. Prochaine étape : la Place Tian'anmen.



Encore une fois, le trajet en métro est long : malgré sa situation centrale, une seule ligne de métro y passe. Soit c'est vraiment mal pensé, soit ça l'est très bien (pour éviter quelque manifestation spontanée ?).


Arrivés sur place, un dispositif de sécurité impressionnant nous attend. Des centaines de policiers en uniforme et en civil surveillent les lieux et contrôlent chaque touriste souhaitant accéder à la place. À gauche, les gens venus les mains dans les poches, à droite, ceux qui portent un sac. Malgré la grandeur des lieux et le nombre affolant de visiteurs (99,999% de chinois), l'endroit est plus sécurisé qu'un aéroport. Ça mérite une photo !



Pour l'anecdote, le garde m'a immédiatement demandé de supprimer la photo devant lui. Heureusement, j'avais déjà mitraillé !


La place est immense. À chaque point cardinal se trouve un monument datant du régime communiste, tous ornés de dizaines de drapeaux chinois. Au Nord, on aperçoit l'entrée de la fameuse Cité Interdite surplombée par un immense portrait de Mao Zetung. C'est ici qu'il proclama la naissance de la République populaire de Chine.



La tâche se complique encore davantage lorsque nous décidons d'aller visiter le mausolée où repose Mao. Nous laissons toutes nos affaires à la consigne, appareil photo compris, avant de nous positionner dans la queue. S'en suivent rien moins que 3 points de contrôle où nos corps sont passés systématiquement aux rayons X. Du jamais vu ! À moins de s'arrêter pour déposer une fleur sur la tombe du Timonier, la marche est cadencée par des gardes on ne peut plus attentifs.


"Sortez les mains de vos poches !" (ça donne sûrement ça en chinois), ordonne d'un ton autoritaire un d'entre eux à Thibaut en passant devant le corps embaumé. Ça ne rigole pas.


Temples, résidences historiques, musées, palais et jardins, la ville de Pékin regorge de sites à visiter mais la quasi totalité de ces derniers sont payants et les prix ne sont pas vraiment "Made in China"...Tant pis, nous nous concentrons sur les incontournables : la Cité Interdite, le Palais d'Été, le Temple du Ciel et bien sur, la Grande Muraille (voir l'article de Thibaut).


La Cité Interdite était la résidence de l'empereur et le centre politique de la Chine pendant plus de 500 ans, avant de devenir un musée à ciel ouvert à partir de 1924. En marchant au coeur de ce site, d'ailleurs étonnament bien conservé, on réalise l'importance qu'il eut dans l'Histoire de la Chine. Dans une enceinte aux dimensions surréalistes (presque 1 km de long, entourée par une muraille de 10 mètres de haut !), des bâtiments aux ornements finement travaillés abritaient la famille impériale et sa cour afin que l'Empire remplisse sa fonction. En tout, ce sont plus d'un million d'ouvriers qui furent mobilisés pour réaliser ce projet titanesque. Impossible n'est pas chinois !


En dépit des quelques 20 millions d'âmes qui vivent ici, nous ne nous sentons pas du tout oppressés. Il faut dire que contrairement à Mumbai, où le béton règne, Pékin ne manque pas de parcs, jardins ou autres petits lacs. Outre les hutongs, certains quartiers pourtant situés au coeur de la ville, nous donnent l'impression d'en être à 10000 lieux.



Après une ultime visite, nous partons en direction d'un petit marché indiqué sur notre carte, dans l'espoir de profiter des stands de rue jusqu'ici inexistants. Comme prévu, nous tombons sur une longue rangée d'échoppes mais les plats proposés sont d'un genre tout à fait nouveau : des brochettes de criquets, de scorpions, d'étoiles de mer, d'araignées (plus précisément de tarentules) !



Nous pensons instinctivement à notre "liste de choses à expérimenter", qui nous oblige à goûter à quelque chose de peu orthodoxe pendant notre séjour. Mais pas maintenant, un minimum de préparation psychologique est nécessaire. Toutefois, la Chine semble l'endroit adéquat pour rayer une ligne de la liste. Nous en prenons bonne note.


- "Il faut que j'aille faire pipi, j'en peux plus là!", me signale Thibaut. Par chance, quelques pas suffisent pour trouver des toilettes et satisfaire ses besoins. En y réfléchissant, c'est vrai qu'on ne cherche jamais très longtemps lorsque survient une envie pressante. Nous ouvrons alors notre guide qui nous apprend avec surprise que Pékin possède exactement 5174 toilettes publiques, ce qui en fait la ville du monde la mieux équipée en la matière. De quoi rassurer les petites vessies ! Mais c'est également pour compenser les nombreux habitats traditionnels qui n'en possèdent toujours pas.



Cela fait maintenant 6 jours que nous sommes arrivés à Pékin. Comme chaque soir en sortant du métro, nous nous arrêtons au marché acheter (sans trop de difficulté) le petit déjeuner du lendemain. Comme chaque soir, les vendeurs nous saluent, ayant pris l'habitude de croiser les seuls étrangers du quartier. Nous commençons à prendre nos aises. D'ailleurs, pour la première fois depuis Alleppey en Inde, nous avons de nouveau l'occasion de cuisiner ! Alors le dîner servi, on s'installe au fond du canapé devant un film, comme à la maison.



Demain, nous quitterons notre petite routine pékinoise pour reprendre la vie de routard.