- Fabien -


C'est au départ de Kalaw que nous effectuons notre premier vrai trek du voyage (les longues marches quotidiennes ne comptent pas !) pour rejoindre le lac Inlé. Après quelques recherches sur place pour dénicher la meilleure offre possible, nous décidons d'opter pour le plus long parcours : 65 kilomètres de marche, à travers forêts et rizières, répartis sur 3 jours et 2 nuits chez l'habitant. Rien de mieux pour plonger au coeur du Myanmar rural !


Pendant ces quelques jours, nous mettons un terme au binôme que nous formons et nous nous greffons avec plaisir à quatre autres personnes, de surcroît francophones. L'occasion pour nous de faire de nouvelles rencontres. Une petite présentation de l'équipe d'aventuriers s'impose (de gauche à droite) :



Regula, sans qui nous serions morts de soif dès la première journée de trek.


Mario, le compagnon suisse de Regula, ou M. bière. Chaque pause est une opportunité pour répondre à l'appel (que dis-je, au cri !) de son estomac et déguster une bonne mousse bien fraiche.


Kalyar, notre formidable guide birmane âgée de 20 ans seulement, qui guide les touristes jusqu'au lac Inlé depuis déjà 2 ans et qui a bien failli se marier avec son compagnon de droite.


Thibaut, randonneur expérimenté, ou le McGyver français, ayant passé plusieurs années perdu au fin fond de l'Amazonie. Il sait se débrouiller en toutes circonstances, comme le montre le sac à dos entre ses jambes.


Fabien, moi-même, effectuant son premier trek, tel un jeune aventurier plein d'innocence et d'envie.


Franck, l'ainé du groupe. Le seul homme sur terre capable d'éviter l'insolation sous un soleil de plomb, sans être équipé de chapeau...et de cheveux sur le crâne !


Enfin, Carole, la pharmaciste de service, qui m'a permis de me remettre sur pied après quelques soucis intestinaux à la fin du parcours.


- Thibaut -


C'est parti pour 3 jours de marche ! Le ciel est bleu, les oiseaux chantent, l'air est encore frais, nous entamons ce trek au petit matin équipés du minimum. Heu, un peu trop du minimum d'ailleurs car sans le rappel de notre compagnon suisse, nous serions partis... sans eau ! À peine quelques centaines de mètres parcourues que nous sommes déjà en pleine campagne, loin de la ville et son urbanisation galopante. Nous nous suivons en file indienne sur les sentiers étroits mais très bien tracés par les habitants qui foulent quotidiennement ces passages connectant la ville et les villages alentours. Et puis, au sortir du bosquet, les rizières s'offrent à nous.



Petite précision : nous entrons en plein dans la saison sèche ici, c'est pourquoi les terrasses ne sont pas aussi vertes que celles filmées dans les documentaires télé ! Mais ce n'est pas pour autant qu'elles sont abandonnées pendant cette période de l'année. L'entretien continuel des plants de riz et le désherbage sont nécessaires pour obtenir un rendement optimal. D'ailleurs, nous croisons deux femmes qui en reviennent. Un bidon d'eau à la main, deux gros sacs en bambous tissés sur le dos, des machettes et autres outils, elles nous adressent un grand sourire puis continuent leur route... 



La marche, ça creuse ! Il n'est que 11h15 mais nous sommes affamés.  Une petite maison plantée en haut de la montagne fait office de gîte. Le couple de népalais installé à l'intérieur reçoit les randonneurs depuis plusieurs années, la femme s'occupant du repas et le mari, du service ! Ici, pas de plaque de cuisson dernier cri, ni de four pyrolyse encastrable... un peu de bois, quelques marmites et le tour est joué !



Le ventre bien rempli, c'est lorsque le soleil est au beau fixe que nous reprenons la route. Inconscients ? Pas tant que ça. Pour ce trek, nous avons chacun investi dans le chapeau traditionnel de la région, un chapeau pliable, en bambous, et qui protège la tête et la nuque. Un très bon investissement d'ailleurs car nous n'avons à aucun moment souffert de la chaleur. La terre semble, elle, être brûlée par le soleil. Par endroit orangée, par d'autres craquelée, le coin nous parait aride sans pour autant être désertique.



" - Quoi ? Une voie de chemin de fer ici ? Bah ça alors ! Hein ? Il faut la prendre en plus ?!?" 


 

Avez-vous déjà marché sur des rails pendant des kilomètres ?! Hé bien je vous assure que ce n'est pas évident. Les yeux rivés sur le sol, il nous est impossible d'apprécier le paysage de peur d'avoir à terminer la rando sur un brancard. Bon allez, j'exagère, j'ai tout de même eu le temps de prendre une petite photo furtive.



Tout au long de notre route, nous apercevons les habitants occupés à travailler la terre. Le coin est très agricole. Les hommes et les femmes sont rarement ensemble et chacun semblent avoir des tâches bien distinctes. Labourer, planter, semer, arroser, désherber, porter, couper, nettoyer... je pourrais continuer encore longtemps comme ça. Tout se fait à la main, avec quelques outils rudimentaires, ou avec l'aide de buffles... L'impression d'avoir fait un bon dans le siècle dernier n'est pas très loin.



Est-ce que je vous ai parlé de mon premier sac recyclable ?! Pas sûr... Peut-être l'avez aperçu dans les photos de la galerie ? Alors non, mettons les choses au clair de suite : je n'ai pas été engagé par Havaianas pour leur faire de la pub au fin fond du Myanmar ! Pour la petite histoire, nous voyageons avec uniquement un petit sac à dos pour deux. Or, ce petit sac n'étant pas suffisant pour 3 jours de randonnée, j'ai eu l'idée de fabriquer un nouveau sac à dos avec simplement deux bouts de lacets et le sac de mes nouvelles tongues récemment achetées. Bon je vous l'accorde, la solidité n'était pas son point fort, par contre, il en a fait sourire plus d'un !



Fin de journée. Nous débarquons au beau milieu d'un petit village hors-du-temps. Ici, pas de boutique de souvenirs, pas d'enfants qui essayent de vendre leurs bracelets, pas de voitures, pas d'électricité, pas d'eau courante... juste des paysans qui semblent heureux, en famille, en train de bricoler un truc par-ci, de nourrir les animaux par-là... Bien que leur culture ne leur permet pas, en principe, de manifester de la curiosité à un étranger, nous échangeons des regards, des sourires, et contemplons avec des yeux écarquillés cette vie qui suit son cours lentement mais sûrement.



" - Sniff, sniff ! Tu sens cette odeur ? C'est toi ma parole ? ", " Hein ?! T'es malade ! C'est toi oui !" Bon, vous l'aurez compris, l'heure de la toilette s'impose. Une cuve remplie d'eau... de pluie ? de puits ? de rivière ? Nous ne le saurons pas... Mais une cuve toujours, avec un petit bol. Serviette et savon sortis, nous voilà prêts pour la douche bénite ! 



Le dîner pris, nous assistons à un très beau coucher de soleil sur la montagne. La nuit enveloppe soudainement la vallée et des percussions mêlées à des chants retentissent un peu partout dans les alentours. Ce sont des cérémonies familiales où le fils est appelé à devenir moine. Le ciel superbement étoilé nous rappelle que nous sommes au beau milieu de la montagne, quelque part entre Kalaw et le lac Inlé. Il est tellement tôt que je n'ose pas vous donner l'heure qu'il est. Mais, plus de lumière oblige, nous nous installons dans une maison de bambous surélevée et prenons place dans une grande pièce commune où nous passerons la nuit. Pas de lits à proprement parlé, simplement des couvertures et des tapis. Mes compagnons de rando se réveilleront très tôt, un peu cassés pour certains, transis de froid pour d'autres, alors que moi, j'ai bien dormi. Il faudra d'ailleurs me tirer du lit ! 



Une nouvelle journée s'annonce, à parcourir à nouveau la vallée environnante et à en prendre plein la vue. Chaque direction où porte le regard est une excuse à la photo. Lorsque nous arrivons à ce qui semble être le point culminant de notre expédition, je sors l'appareil photo et enclenche le retardateur... 1...2...3... Souriez !



- Fabien -


Cette aventure, c'est aussi l'occasion de discuter entre nous, voyageurs longue ou courte durée, mais également d'échanger avec la petite cadette du groupe, Kalyar, qui a beaucoup à nous apprendre sur elle-même et son pays.


Elle vient d'une minorité ethnique du Myanmar, les Pa'O, un peuple vivant dans les hauteurs de l'État Shan. Avant d'être embauchée comme guide touristique à Kalaw chez "L'oncle Sam" comme ils l'appellent, elle travaillait dans les champs depuis son adolescence. L'épaisseur de ses mains et la forme boudinée de ses doigts ne trompent pas. Elles ont travaillé intensément la terre. Mais quand on lui demande, presque avec ironie, si cela était difficile d'effectuer un tel effort physique sous cette chaleur étouffante et ce pendant 10h par jour, sa réponse négative ne nous étonne même pas. Les birmans sont humbles et courageux.


- "Si tu as la possibilité de voyager à l'étranger, dans quel pays te rendrai-tu en premier ?"

- "La Thaïlande, pour voir la mer", me répond-elle sans hésitation.


D'ailleurs, elle n'a jamais vraiment bougé à l'intérieur du Myanmar, à l'exception des allers-retours entre Kalaw et son village une fois tous les quinze jours. Pour autant, une vie aussi simple ne retire pas le sourire de son visage.



Le coq des voisins commence à pousser la chansonnette. Il est 6h du matin, l'heure d'ouvrir les yeux. Même si certains ont du mal à émerger après un réveil si matinal, le petit déjeuner offert me donne envie de sauter du lit. Crêpes, bananes, pommes, toast de pain grillés, confiture, thé, café, salade d'avocats...tout y passe. Après notre séjour en Inde où le petit déjeuner à l'hôtel était un luxe que nous ne pouvions nous permettre, je peux vous affirmer que nous nous en donnons à coeur joie !



C'est simple, nous n'avons jamais autant et aussi bien mangé depuis notre arrivée. Notre chef cuisinier, exclusif pour tout le séjour, nous suit en mobylette pour nous préparer des plats délicieux du matin au soir. On ne marche pas 6 à 7h par jour par miracle !